La saga Waterman, aux origines de la marque

La saga Waterman, aux origines de la marque

Un stylo plume tout simple pour écolier au cadeau haut de gamme : nombre d'entre nous ont un jour tenu un stylo Waterman. L'histoire de cette entreprise internationale débute de l'autre côté de l'Atlantique en 1883 : selon la légende, Lewis Edson Waterman, courtier en assurances new-yorkais, s'apprête à conclure un important contrat. Au dernier moment, son stylo tache le document. L'histoire ne dit pas si le client avait déjà vécu l'expérience... Mais le temps que le courtier récupère un double immaculé, il avait disparu.

Cette fâcheuse bavure n'a rien de très surprenant. Débit trop abondant ou flux d'encre intermittent. « Les stylos sont encore très archaïques, donc plus ou moins fiables à la fin du XIXe siècle », précise André Mora, collectionneur et marchand spécialiste en stylos anciens et actuels à Paris. L'incident décide le malheureux assureur à étudier le fonctionnement de ces accessoires afin de bricoler un modèle sûr qui lui permettra d'exercer son métier en toute tranquillité. À l'aide d'une scie, d'un canif et d'une lime, il façonne ainsi la pièce placée sous la plume : le premier conduit d'alimentation qui régule le débit de l'encre vers la plume grâce au principe de la capillarité marque la naissance du stylo plume moderne.

Le stylo intéresse rapidement d'autres utilisateurs. Notre courtier commence à vendre ses fabrications avant de déposer en février 1884 un brevet qu'il perfectionnera ensuite. Il abandonne le monde de l'assurance pour fonder la Waterman's Ideal Pen Company, bientôt renommée L.E. Waterman Company. Les modestes débuts se déroulent dans l'arrière-boutique d'un marchand de cigares où les accessoires sont fabriqués à la main, avec un habillage de bois équipé d'un réservoir de caoutchouc... et vendus avec une garantie de cinq ans. Un client publicitaire le convainc de faire de la publicité dès la fin des années 1880. Le succès est immédiat.

Plus de 1 000 stylos vendus par jour

Waterman perfectionne son invention ; il lance le premier stylo de bureau en 1890 et un système d'alimentation à pièges latéraux, le spoon feed, répond à une innovation de Parker, en 1899. Lorsque l'inventeur disparaît en 1901, l'entreprise vend plus de 1 000 stylos par jour et son savoir-faire commence à s'imposer au-delà des frontières. Une usine s'implante au Canada et la médaille d'or qui célèbre la qualité des produits de la marque lors de l'Exposition universelle de Paris en 1900 lui offre un beau tremplin pour partir à la conquête de l'Europe. On estime que plus de sept stylos sur dix sont produits par Waterman au début du XXe siècle. La concurrence motive les recherches : la barrette de métal se greffe au capuchon afin d'accrocher le stylo au bord d'une poche (1904) ; le stylo rétractable (1907) puis le système de remplissage du réservoir grâce à un système d'alimentation par levier (1913 ) deviennent très populaire et reste longtemps la référence.

Toutefois, la prédominance de la marque faiblit dès les années 1920 aux États-Unis. Waterman demeure trop longtemps attaché à l'ébonite, ses inventions sont trop tardives. Les répercussions de la Seconde Guerre mondiale et une gestion inappropriée mettent l'entreprise en difficulté. Lorsque la production américaine s'interrompt au milieu des années 1950, le vieux continent a commencé à prendre le relais.

Made in France

La fabrication perdure avec difficulté en Angleterre jusque dans les années 1970. Mais c'est surtout l'antenne française qui se singularise. Un certain Jules Isidore Fagard, agent de la société en France à partir de 1914, crée effectivement sa propre entreprise en 1927. Filiale semi-autonome, JIF-Waterman fabrique des stylos et écrit quelques étapes marquantes de l'histoire des innovations, dont la création de la première cartouche en plastique et la fabrication du fameux CF (Cartridge Filler) dans les années 1950. Sa forme fuselée futuriste, son clip au design typique du moment vont connaître le succès dans toute l'Europe. En 1967, l'usine de Saint-Herblain ouvre près de Nantes. Deux ans plus tard, Francine Gomez, petite-fille de M. Fagard (et troisième génération de femmes dirigeantes) est nommée PDG de JIF Waterman et revitalise l'entreprise. Elle rachète la marque américaine et devient Waterman SA en 1971 ; prend le contrôle des marques pour le Canada, l'Angleterre et le Commonwealth ainsi que l'Asie ; se fait coter en Bourse en 1975 et collabore avec le designer Alain Carré pour proposer de nouvelles gammes de stylos. L'entreprise française a depuis été rachetée par Gillette puis par un groupe américain qui possède également d'autres marques spécialisées dans l'écriture.

Source : Antiquité Brocante

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